LE FRIC
Sur les deux premières photos, il est avec le CHA-VI, le BERNARD et le PENA (je pense un Sarrois).
Quand mon grand père a arrêté, on demandé pour reprendre le nom là, LE FRIC, il a dit oui et a donné ses plaques pour le Strasbourg LE FRIC.
kikipuce a écrit:Alors un Kraft ou pas ?
roger 51 a écrit:kikipuce a écrit:Alors un Kraft ou pas ?
Je ne suis pas en mesure de dire oui ou non, mais je pense que c'en est un
il ressemble quand même beaucoup au bateau de mon beau père (FRAHAUT))
quand il s'appelait GERMAINE et avait son nez d'origine !
Les mariniers face à leur destin
Tous ces bateaux que l'on aperçoit depuis le pont des Alliés, à Sarreguemines, immobilisés dans les eaux calmes de la Sarre canalisée, semblent attendre un signe du ciel pour repartir, vent en poupe, vers un horizon meilleur. Mais le ciel roule de gris nuages sombres et l'augure fantomatique ne dit rien qui vaille !
Ces mariniers, qui sont-ils ? Une horde résignée qui, tous les matins, prend le chemin du bureau d'affrêtement avec l'espoir de rapporter à leurs épouses la bonne nouvelle ? ...
Ce sont avant tout des gens simples, rudes - c'est leur dur métier qui le veut - mais aimables et qui savent vous ouvrir leur porte, pour peu que vous leur parliez gentiment. Leur avenir cependant est inquiétant: chaque marinier sait que d'ici à quelques années, près de deux mille bateaux circulant encore sur les voies navigables de notre pays vont être réformés. On découpera les coques au chalumeau... Et leurs occupants ? On leur versera un forfait puis, une fois qu'ils auront fait leurs valises, ils regagneront la terre ferme. A ce moment-là, de deux choses l'une: si le marinier est jeune, il aura peut-être la chance de retrouver du travail ailleurs, mais s'il est âgé, qui donc voudra de lui ?
Toutefois, le marinier aime son travail et cela se comprend : il aime son métier qu'il exerce très souvent de père en fils. Ce marin des rivières tient la barre à deux mains et affronte courageusement les lames violentes de son destin.
Ces mariniers, nous les rencontrons journellement à Sarreguemines, mais seuls une visite sur l'un des bateaux et un long entretien peuvent nous faire entrevoir cet univers dont les éléments, bien souvent, nous échappent.
Des trèfles à quatre feuilles sur le pont
Bordé d'herbes, un petit chemin, né tout seul sous les pas des mariniers, s'en va sous les arbres de la rive droite et nous conduit vers les bureaux des faïenceries. Près d'une dizaine de bateaux, situés en face du parking de « La Charrue d'Or ». Tout au long du chemin, l'un d'eux en particulier, retient notre attention : son propriétaire l'a baptisé « LE FRIC »...
Une petite échelle nous permet de monter à bord. Le pont est très propre mais la cale, pouvant accueillir 275 tonnes de matériaux, est désespérément vide. Près du gouvernail, à la peinture verte, le propriétaire a peint des trèfles à quatre feuilles. Poésie ou espérance ?
M. Gabriel Perchat, 60 ans, et son épouse, Suzanne, 49 ans, vivent seuls sur ce bateau (le quatrième) qu'ils ont acquis en 1962 pour la somme de 35.000 F. LE FRIC est un bateau de canal, sans moteur, construit avant 1870. Mais le solide centenaire est encore en bon état, grâce aux soins dont l'entoure son propriétaire.
2.000 péniches seront réformées dans quelques années et leurs occupants devront regagner la terre ferme...
Néanmoins, malgré son nom, il ne porte plus guère d'intérêts depuis bien des mois.
M. Perchat, au gré des déplacements de ses parents, mariniers eux aussi, naquit dans le Jura. Il s'établit à son compte en 1933 et se maria en 1935. Il perdit tout pendant la guerre et, avec son épouse, opta pour la seule possibilité qui lui restait après les hostilités : travailler comme salarié sur différents bateaux. Cela dura neuf ans...
Et puis, un beau jour: « Ça y est enfin ! Nous pouvons racheter un bateau... ». On devine la joie du couple, car pour lui, faire l'acquisition d'un bateau, c'était acheter un logement, un outil de travail, un univers rien qu'à eux !
Mais cette satisfaction n'était pas le terme de leurs difficultés. Pour gagner sa vie, le marinier (souvent son épouse...) doit calculer à longueur d'année. M. Perchat gagne moins que bon nombre d'employés de bureau. Il lui reste cependant à subvenir à tous les besoins notamment à l'entretien du bateau.
« Tout compte fait, nous ne travaillons que pendant huit mois sur douze », précise M. Perchat. Par ailleurs, la concurrence trop forte des chemins de fer, des transports par route et même... des bateaux à moteur se fait sentir. Mais pourquoi ne pas équiper « LE FRIC » d'un moteur ? « Notre bateau, nous l'avons payé à grand mal et un moteur, c'est trop cher... » , telle est donc l'explication : l'argent qui fait défaut et qui ne rentre qu'au compte-gouttes.
Le marinier possédant un bateau à tracter est assujetti, plus qu'aucun autre peut-être, à l'offre des industries. Il calcule à longueur d'année, disions-nous : c'est parfaitement exact.
Pour que les déplacements soient rentables, il faudrait que le bateau soit toujours chargé, or ce n'est pas toujours le cas. D'autre part, une menace constante assombrit le sort du marinier : la réduction de la traction sur les canaux.
Les dernières cartes : le charbon et le calcaire
Pour M. Perchat, la réduction de la traction constitue d'ailleurs le problème numéro un, parmi tant d'autres : « En effet, nous avons pratiquement la corde au cou si je puis dire. Sans tracteur, nous ne pouvons pas nous déplacer. Or, après Nancy, il n'y a plus de traction. Nous sommes donc cloués sur le canal des Houillères, entre Grosbliederstroff et Nancy. »
Avant cette période austère, M. Perchat pouvait transporter le charbon lorrain vers Reims et l'Ile-de-France, mais, hélas ! c'est fini. Il doit se résigner à faire la navette entre le port H.B.L. de Grosbliederstroff et Dombasle.
« LE FRIC » emporte vers Dombasle le charbon de notre région et revient chargé de pierres calcaires destinées aux usines Solvay de Sarralbe. Théoriquement, le bateau serait donc chargé à l'aller comme au retour et tout irait donc pour le mieux. Hélas ! non. La théorie et la pratique ne concordent pas toujours... Le « billet » aller-retour de Grosbliederstroff à Dombasle (à payer à la traction] est de 1.350 F selon M. Perchat. Alors que faire ? Quitter Grosbliederstroff sans la garantie de revenir chargé ? Dans ce cas, ou alors le bateau reviendrait à vide: 675 F de perdus..., ou alors il s'immobiliserait à Dombasle pour combien de temps ?
Attendre à l'un ou à l'autre bout de cette portion du canal des Houillères ? M. Perchat a pesé le pour et le contre, comme l'ont fait la plupart des mariniers se trouvant dans son cas. Peut-être un jour aura-t-il la chance d'obtenir ce fameux billet aller-retour... Mais pour l'instant, M. Perchat est à Sarreguemines depuis deux mois !
« De toutes façons, on me retirera mon permis dans quelques années et le bateau ira à la réforme... » et là, notre interlocuteur suspend sa phrase pour reprendre: « Je suis de la classe 1929. Je n'ai pratiquement pas été à l'école. Qui donc m'embauchera par la suite ? ». M. et Mme Perchat se regardent... Ils verront bien.
Mais, n'y a-t-il rien qui puisse leur tendre la perche en cas de besoin, de maladie par exemple ?
Le couple doit payer les visites du médecin et les médicaments sont entièrement à leur charge. Dans quelques années, M. Perchat touchera le fruit d'une retraite vieillesse, mais pour l'instant, il doit payer annuellement près de 1.850 francs pour l'assurance de son bateau.
« M'assurer ailleurs encore ? Vous savez, il ne nous reste pas trente-six solutions. C'est l'assurance ou le pain sec ! », ajoute-t-il.
M. et Mme Perchat tiennent comme une poignée de sable ce frêle bonheur qui jalonne cette longue route parcourue ensemble : ils veulent vivre !
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